Exposition : les « Seigneurs du désert » à l'honneur
La grande exposition « Touareg » révèle la culture raffinée des « Seigneurs du désert » grâce aux 300 pièces issues de la collection ancienne de cuir et bois déposées par les Œuvres pontificales missionnaires, et à l'importante donation de 453 bijoux et amulettes des années 1950 à 1980. Jean Burner, le président de l'association Asnat qui aide les populations touareg du Nord Niger, a fait ce don en 2015 après les avoir collectés afin de les préserver. En effet, les femmes font fondre leurs bijoux une fois usés ou passés de mode. Chargée des collections d'Afrique et d'Océanie du musée des Confluences, Marie Perrier explique « l'intérêt d’aller au-delà des clichés et des stéréotypes, de montrer comment cette identité si forte et si particulière évolue tout en conservant ses codes esthétiques, et en devenant aujourd’hui une source d’inspiration pour des créateurs occidentaux ». L'exposition s'attache à déconstruire les mythes ancrés dans l’imaginaire collectif occidental, du vertueux guerrier touareg si cher à la France coloniale au rebelle trafiquant d'armes contemporain, à travers des peintures orientalistes, des affiches ou d'extraits de journaux télévisés. Du XIXe siècle à nos jours, les Touareg ont toujours réussi à s'adapter aux crises géopolitiques et économiques pour ne pas disparaître. Estimé entre 1,5 million et 3 millions d’individus, ce peuple nomade a toujours revendiqué son indépendance et sa liberté sur un territoire qui couvre 2,5 millions de km2, au cœur du Sahara central et d'une partie du Sahel, réparti entre l'Algérie, le Burkina Faso, la Libye, le Mali et le Niger.
En innovant, les Touareg ont développé un savoir-faire métissé
Les femmes et les hommes touareg occupent des rôles distincts, mais complémentaires dont témoignent leurs parures et bijoux. Piliers de la société, les femmes sont détentrices du savoir culturel à travers la maîtrise de l’écriture, de la musique et du travail du cuir tandis que les hommes pratiquent la poésie dans la solitude des voyages. « Ce qui frappe dans l’identité touareg est cette volonté de se montrer le plus noble possible. Être Touareg, c’est accorder de l’importance à l’image que l’on renvoie, à l’élégance et à la beauté », souligne Marie Perrier qui ajoute : « il y a vraiment un idéal de noblesse, de pudeur, de sobriété, de retenu ». À l'image du voile masculin indigo, le tagelmust, qui permet de dissimuler les émotions tout en se protégeant du sable. Ces codes esthétiques se déclinent dans l'artisanat et dans les arts comme la poésie du Nigérian Kourman agg-Elselisu ou la musique du groupe de blues Tinariwen. Les motifs géométriques, comme les losanges symbolisant les cinq doigts de la main de Fatima ou les croix qui ne sont pas une expression religieuse, et la palette de couleurs réduite préparée par les Haoussas de Kano pour les Touareg, séduisent des maisons de prêt-à-porter et de luxe tel Hermès. « Le savoir-faire des artisans et forgerons touareg autant que leur capacité à répondre aux exigences des plus grandes marques témoigne de la valeur de leur technique », précise Marie Perrier. Les artisans s’inspirent des techniques employées dans les régions voisines, intègrent des pièces de récupération à la place du cuir ou des fils de soie et s'adaptent à la demande touristique de l'Europe et du Golfe avec la multiplication des croix ou l'utilisation de l’or à la place de l'argent. Comme le résume Marie Perrier : « La culture touareg perdure, car elle sait intégrer la modernité tout en respectant son identité, ses valeurs et son style. »
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